Je suis née le 31 décembre au soir, précisément à vingt-trois heures et cinquante minutes. Je vis donc le jour, ou plutôt la nuit, pour la première fois en plein milieu de la période d'hiver, la plus froide de l'année. À ce moment-là je n'étais qu'un petit bébé tout fragile qui ne connaissait encore rien de la vie, de ses joies, de ses souffrances. Aujourd'hui, dix-sept ans plus tard, il m'est arrivé tellement de choses que je saurais très bien vous donner la définition du bonheur et du malheur, mais je suis toujours aussi fragile physiquement qu'avant. Pourquoi ? Tout simplement car, il y a maintenant huit ans, les médecins m'ont diagnostiqué une maladie rare au cœur, qui me rend très faible et qui me met constamment en danger ; il peut m'arriver une attaque d'une minute à l'autre, et je ne peux fatiguer mon cœur sans risquer de le faire "exploser". On peut dire que je suis comme une bombe à retardement, je peux "exploser" à n'importe quel moment. Il existe une opération pouvant guérir ma maladie, mais celle-ci est relativement chère et n'a que trente-cinq pour-cents de chance de réussite. Je n'ai encore jamais eu le cran de la faire ...

Je vis seule avec mon grand-frère depuis maintenant dix-ans, suite à la mort de nos parents dans un accident de voiture alors que je n'avais que sept ans. Subir ça fut vraiment horrible ... j'étais ... tellement jeune ... terrorisée ... perdue ... mais heureusement, je n'étais pas seule. Si Shun, mon frère, n'avait pas été à mes côtés, je ne sais pas comment j'aurais pu continuer à sourire. Qui plus est, le diagnostic de ma maladie deux ans après ce drame fut un événement tout aussi douloureux qui ne cesse de me hanter aujourd'hui encore. Nous n'étions pas une famille roulant sur l'or, et nos parents n'eurent pas un grand héritage à nous céder à leur mort. Il était donc très dur pour moi d'être soignée comme j'aurais du l'être, et l'angoisse n'arrangeait rien à ma maladie. Mais, encore une fois, mon grand-frère fit tout son possible pour m'aider. Lui, qui n'avait jamais accordé une grande importance aux études, m'annonça un beau jour qu'il avait décidé de continuer des études de médecine pour devenir chirurgien. Je fus énormément surprise et à la fois très heureuse d'apprendre cela ! Shun, chirurgien ? Waw ! Malgré qu'il ne me l'ai jamais dit directement, je me doutais bien que son choix d'étude avait été influencé par moi-même, ce qui me donnais vite l'impression de contrôler sa vie, car il était toujours au petit soin pour moi. Mais je ne pouvais pas cacher que j'aimais ça.

À vrai dire, moi-même je ne sais toujours pas ce que me réserve mon avenir. Je suis terrorisée par cette maladie qui me tient comme prisonnière, et pour être franche c'est l'une des raisons pour laquelle je ne porte pas vraiment d'importance à mon avenir, convaincue que je ne pourrais sûrement pas en avoir. Qui sait ? Aujourd'hui pourrait très bien être mon dernier jour. Je profite donc de chaque jour comme si c'était le dernier, faisant tout mon possible pour sourire et rendre mon entourage heureux, même si au fond de moi je suis apeurée, triste, et que je me dois de retenir mes larmes en public pour ne pas montrer à quel point je suis faible face à ce qui m'arrive. Mon magnifique sourire étant plus fort que tout, je suis souvent celle qui remonte le moral de ceux qui en ont besoin, je suis même souvent admirée pour être une patiente pleine de vie, de joie et d'humour, même si ce n'est qu'un faux reflet de mes émotions. Il m'arrive souvent de fixer le ciel, perdue dans mes pensées, m'imaginant là-haut. Je retrouverais sûrement nos parents, non ? C'était sûrement la seule pensée qui me rassurait de le dure épreuve que j'allais devoir affronter un jour ou l'autre. Je m'en voulais seulement pour une chose : après ma mort, Shun serait seul. Moi qui ais eu besoin de quelqu'un pour m'aider après la mort de nos parents, je sais très bien qu'il aura sûrement du mal à surmonter ça, et je m'en veux de toujours lui causer des soucis, de toujours l'inquiéter à longueur de journée.

Les années ont passés et Shun a réussi à avoir un poste d'interne dans un hôpital. À vrai dire, il fut même demandé dans plusieurs hôpitaux et nous furent donc obligé de déménager assez souvent, ce qui ne me dérangeait pour rien au monde, car je pouvais avoir la chance de voyager à travers le monde et donc d'avoir une vie tout de même bien remplie même s'il y avait des chances qu'elle soit beaucoup plus courte qu'un individu normal. Mon état n'étant jamais stable, j'étais forcée d'être hospitalisée à chaque nouvel hôpital où travaillait mon frère. Dans un sens, cela me permettait de rester souvent en sa compagnie car, étant interne, il passait la plupart de son temps sur son lieu de travail plutôt qu'à la maison. Tellement d'ailleurs que l'hôpital devenait notre maison à tous les deux.